Paris, le 4 juin 2025 – Alors que l'intelligence artificielle (IA) occupe largement l’espace médiatique et que les promesses de gains de productivité abondent, la réalité des PME et ETI françaises sur le terrain est plus nuancée. Une nouvelle étude de Bpifrance Le Lab, réalisée auprès de plus de 1 200 chefs d’entreprises, dresse un portrait de l’IA dans les PME et ETI françaises, ainsi qu’une analyse des freins et leviers à son adoption. Loin d’être une baguette magique, l’IA représente un défi de taille que ces entreprises ne peuvent relever que sur le long terme.
58% des dirigeants considèrent l'IA comme une question de survie à 3-5 ans : la prise de conscience de l'impact de ces technologies sur les entreprises est majeure.
58% des dirigeants ayant répondu à notre enquête considèrent l’IA comme importante voire très importante pour la pérennité de leur entreprise à 3-5 ans.
Quant au passage à l’action, il est réel, mais encore hésitant. 43 % des dirigeants ont défini une stratégie IA, 26% utilisent une IA générative, 16% une IA non générative, et seulement 10% utilisent les deux. Ces chiffres varient selon les secteurs ; ils sont particulièrement élevés dans les TIC, la finance et les assurances et plutôt bas dans la construction et les transports.
Parmi les entreprises qui ont adopté l’IA, générative et/ou non générative, la moitié utilise exclusivement des solutions gratuites ou prêtes à l'emploi.
L’optimisation de l’existant, l’amélioration des performances, le maintien de la compétitivité et la réduction des coûts, sont la principale motivation des dirigeants. Ils voient moins, à ce stade, en quoi l’IA peut leur permettre de développer leur activité. 94% des dirigeants citent au moins une modalité d’optimisation de l’existant, alors que 54% citent au moins une modalité de développement d’activité (amélioration de la connaissance clients, gains en parts de marché, accès à de nouveaux marchés, augmentation du chiffre d’affaires).
Ce décalage entre la perception de l'importance de l'IA et sa mise en œuvre effective témoigne des défis auxquels sont confrontées ces entreprises. La véritable révolution des usages, avec des solutions sur mesure créatrices de valeur, n'a pas encore eu lieu, freinée par le manque de maturité de l’offre, des coûts jugés élevés (1er frein cité par les dirigeants) et des applications difficiles à identifier.
« Aujourd’hui, la majorité des chefs d’entreprise ont désormais bien saisi les enjeux liés à l’IA. Rappelons qu’en 2017, dans notre étude sur « Les dirigeants de PME et ETI face au digital », un dirigeant sur deux estimait que l’impact du digital ne serait pas majeur à 5 ans ! En revanche, beaucoup de dirigeants sont encore sans boussole stratégique dans cet environnement technologique aussi mouvant que complexe. » déclare Elise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab.
43% des PME-ETI n'analysent pas leurs données pour piloter leur activité : la première brique d'une IA efficiente n'est posée que par une minorité des chefs d'entreprise.
Parmi les sous-jacents indispensables à l’adoption de l’IA : la digitalisation de l’entreprise, une stratégie data (collecte et structuration de données), identification de cas d’usage avec leurs impacts économiques, et l’implication des équipes.
Qu’en est-il dans les PME-ETI interrogées ?
La transformation digitale est bien en marche pour 76% d’entre elles. 43 % des PME et ETI ne font pas d'analyse de données pour piloter leur activité. Or, selon notre enquête, une entreprise engagée dans la digitalisation est 5 fois plus susceptible d’utiliser une IA, et une entreprise réalisant des analyses de données est 2,5 fois plus susceptible d’utiliser une IA. Ces corrélations montrent que l’absence de socle digital et de données fiables compromet sérieusement la capacité des entreprises à tirer parti de l'IA.
Le capital humain est tout aussi essentiel : une IA mal adoptée est une IA non efficiente. La résistance des employés est citée par 22% des répondants ayant adopté ou non l’IA. Les possibles mauvais usages (partage de données confidentielles) et la difficulté à identifier les cas d’usage sont cités par respectivement 33% et 23% des répondants. Les freins à l’adoption sont donc multiples, et l’étude montre qu’il est crucial d'éviter les projets pilotes isolés, menés uniquement par les départements IT, sans réelle adoption par les métiers.
48% des dirigeants de PME-ETI utilisent personnellement l'IA générative au travail, contre 38% des dirigeantes : face à l'adoption de l'IA, des inégalités apparaissent selon le genre, la formation et l'âge.
Plus le dirigeant est jeune et formé, plus il utilise à titre personnel les outils d’IA générative (IA Gen), et plus son entreprise est avancée dans l’adoption de l’IA. C’est vrai aussi lorsque le dirigeant est un homme. Quelques chiffres pour l’illustrer : 55% des dirigeants ayant un Bac+5 utilisent les IA Gen, 62% pour les Bac+8, contre 19% pour les non diplômés, et 36% pour les Bac+2. 67% des moins de 35 ans utilisent les IA Gen, contre 46% pour les plus de 45 ans.
Ces écarts soulignent la nécessité d'un engagement de tous les acteurs de l’écosystème d’accompagnement (fédérations professionnelles, cabinets de conseil stratégique, réseaux consulaires, etc.) pour une sensibilisation et un accompagnement particulier de tous les dirigeants, quels que soient leur âge, leur formation, ou leur genre.
27% de dirigeants "sceptiques" face à l'IA : parmi les 4 groupes de dirigeants identifiés dans l'étude, un se dégage par son hostilité face à ces technologies.
Quatre profils de dirigeants et dirigeantes ressortent de l’analyse statistique. Les "Sceptiques" (27% des répondants) sont des dirigeants réfractaires à l'IA, à la tête d’entreprises peu digitalisées, et ne percevant ni l'intérêt ni les applications de cette technologie pour leur activité. Ils font preuve d’une opposition quasi existentielle à l’IA, craignant une perte de lien social et des destructions d’emplois.
Les "Bloqués" (26%) sont des dirigeants conscients de l'importance de l'IA mais paralysés par un manque de compétences, de formation ou de soutien, les empêchant d'agir. Les "Expérimentateurs" (28%) sont des dirigeants ouverts à l'IA, encourageant son exploration au sein de leurs équipes, mais limités dans son déploiement à grande échelle par des contraintes financières et un manque d'expertise interne. Les "Innovateurs" (19%) sont des dirigeants à la tête d'entreprises hautement digitalisées, maîtrisant personnellement les concepts avancés de l'IA, formant activement leurs employés et intégrant l'IA tant dans leurs processus que dans leurs produits.
La construction et le transport sont deux secteurs sur-représentés parmi les « Sceptiques », le commerce est quant à lui sur-représenté parmi les « Bloqués », l’industrie parmi les « Expérimentateurs » et les TIC, services aux entreprises, finance et assurances parmi les « Innovateurs ».
Les femmes sont sur-représentées parmi les « Sceptiques », et les hommes sur-représentés parmi les « Innovateurs ».
En conclusion, l'adoption de l'IA par les PME et ETI françaises s'annonce comme une révolution tranquille, mais néanmoins profonde. Les avancées technologiques, aussi importantes soient-elles, ne doivent pas faire oublier les aspects économiques : l'automatisation d'un processus, par exemple, n'est pas systématiquement synonyme de rentabilité. Face à des technologies encore en maturation, même les entreprises les plus avancées dans l'expérimentation de l'IA adoptent une approche prudente, préférant attendre le développement de l'offre et la baisse des coûts. Cette prudence, dictée en partie par les contraintes financières, protège paradoxalement les PME et ETI d'investissements précipités et potentiellement peu rentables.
« L'adoption de l'IA par les PME et ETI françaises se révèle être un défi allant bien au-delà d'une simple question technologique. Les entreprises qui parviennent à tirer réellement profit de l'IA sont celles qui l'intègrent de manière stratégique, en l'alignant sur leurs besoins métiers critiques et en l'utilisant pour renforcer leur avantage compétitif. Chez Bpifrance, nous accompagnons les PME et ETI françaises dans cette démarche en soutenant leurs projets de transformation numérique et en facilitant l’accès aux technologies innovantes. » déclare Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance.
Retrouvez l’étude complète via le lien suivant :
https://lelab.bpifrance.fr/ia2025
Méthodologie de l’étude :
- Une enquête menée entre octobre et décembre 2024 auprès de 1 209 dirigeantes et dirigeants de PME et ETI de plus de 10 salariés.
- Plus de 40 entretiens réalisés entre juillet 2024 et décembre 2024 : 29 auprès de dirigeantes et dirigeants, 8 auprès d’experts et enseignants-chercheurs, et 5 auprès d’experts de Bpifrance
- Un Comité de pilotage composé de Jonathan Cassaigne (Bpifrance), Caroline Chopinaud (Hub France IA), Paul Delbouve (DGE), Frédérique Deschamps (Bpifrance), Marc Revol (ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche), Corine Waroquiers (Secrétariat général pour l'investissement) et Helen Zeitoun (Datae Humanum)