Paris, le 1er juillet 2022 – En rapide évolution, l’écosystème scale-up français a réussi à se constituer ces dernières années notamment grâce à une forte hausse des financements. Le prochain enjeu pour ces scale-ups étant de devenir des géants internationaux, ce sont maintenant de nouveaux challenges auxquels elles doivent faire face, et notamment celui du manque de talents adaptés à ces profils d’entreprises et attirés par les scale-ups françaises.
Une fois l’enjeu financier de l’entreprise sécurisé, c’est en effet la capacité à faire adhérer les meilleurs talents possibles au projet qui garantira le succès de la scale-up. Les fondateurs doivent aussi être en capacité d’évoluer rapidement dans leurs, entreprises en hyper croissance et de faire preuve de leadership aussi bien au sein de leur entreprise que publiquement, de manière à atteindre un réel statut de géant international.
« Dans l’écosystème tel qu’il est aujourd’hui, le défi auquel nos fleurons français sont confrontés est autant l’accès au financement, que la capacité à réussir à passer à l’échelle en termes d’organisation de l’entreprise. Attirer et retenir les talents pour suivre le rythme de croissance de l’entreprise peut apparaître comme une course contre la montre », remarque Paul-François Fournier, Directeur exécutif Innovation de Bpifrance. « C’est pourquoi nous avons souhaité réaliser cette étude : rien ne vaut le partage d’expérience de dirigeants qui ont été ou sont confrontés à ce défi. Ces témoignages sont un retour très précieux pour leurs pairs, encore au stade d’amorçage, aussi bien que pour l’écosystème dans son ensemble – fonds y compris. Commencer, ensemble, à rêver de l’échelle internationale se prépare dès aujourd’hui, pour mieux anticiper demain ».
« L’enjeu est de taille aujourd’hui, les succès de scale-ups françaises se multiplient mais les géants internationaux européens qui savent s’imposer aux US par exemple, sont encore rares. Cette capacité à s’imposer sur un marché international, nécessite des compétences, des talents clefs et un état d’esprit qu’il peut manquer à certains fondateurs européens. C’est tout l’écosystème qui doit passer l’étape suivante pour permettre d’industrialiser le développement de ces géants internationaux et faire de la France un acteur de premier plan de la tech internationale » explique Matthieu Courtecuisse, CEO de Sia Partners.
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La parole aux fondateurs
L’étude conduite par Bpifrance et Sia Partners a donné la parole à un panel de fondateurs et dirigeants de scale-ups françaises (AB Tasty, Cellectis, Ynsect, Launchmetrics, ManoMano, DBV Technologies, Evaneos, DataDome, 360Learning, Ankorstore, Data Galaxy, eCential Robotics, BackMarket ou encore Malt), de fonds d’investissements (Eurazeo, ISAI, Newfund ou encore Starquest mais aussi Bpifrance) et de spécialistes du recrutement de ces acteurs (Boyden), de manière à les laisser dévoiler leurs succès, leurs meilleures pratiques mais aussi porter un regard critique sur les erreurs du passé, les manques constatés aujourd’hui dans l’écosystème et sur leurs espoirs pour les années à venir.
Les scale-ups interviewées couvrent l’ensemble des secteurs d’activités du B2C et Marketplace, aux deeptechs en passant par les acteurs B2B et SaaS. L’accent a été mis sur les challenges des talents dans les phases d’internationalisation, l’expérience de la quête des C-levels ayant vécu une expérience de changement d’échelle et en mesure de répondre aux défis de l’entreprise. mais aussi sur la place des fondateurs dans les futures étapes de vie de leur entreprise et le développement de leur leadership.
L’étude fait la lumière sur la réalité de la guerre des talents impactant l’ensemble des postes clefs des scale-ups, la gestion d’équipes multi localisées et les nouveaux modes de travail ou encore l’importance de la création d’une culture forte pour attirer et fidéliser les meilleurs. Mais aussi les facteurs de motivation que peuvent être le partage de la vision à toutes les équipes, la mission ou l’impact de l’entreprise, les éléments de rémunération et de package, l’intéressement au capital, ou encore la question du recrutement de profils d’entreprises plus “traditionnelles” nécessaire dans certains secteurs, mais perçu comme complexe dans d’autres et bien d’autres enjeux.
Des recommandations fortes pour le changement d’échelle
Au travers de ces échanges, les leaders de l’écosystème ont dessiné les contours d’unplaybook sur la problématique des talents et les rédacteurs en ont extrait une série de recommandations à destination des start-ups, scale-ups mais aussi à destination de tous les acteurs de l’écosystème.
- Pour les start-ups
Les recommandations à destination des start-ups sont issues des retours d’expériences des fondateurs et dirigeants de scale-ups interrogés. Elles visent à donner aux entrepreneurs rencontrant aujourd’hui une phase d'hyper croissance des clefs pour l’adresser de manière pérenne.
#1 - Développer une culture internationale rapidement à travers des recrutements, la culture de l’entreprise et par l’utilisation de l’anglais comme langue de communication.
“Adopter l’anglais très tôt dans une scale-up demeure l’un des premiers facteurs clés de succès d’une internationalisation réussie.” – Nicolas d’Audiffret, co-founder et CEO d’Ankorstore
#2 - Accepter les aléas et s’adapter rapidement face à des initiatives qui ne portent pas les résultats escomptés, dans le recrutement de profils comme dans le lancement ,de nouveaux marchés.
#3 - S’appuyer sur les réseaux dédiés aux entrepreneurs (pairs, clubs, coaching) afin de profiter des conseils prodigués par le réseau en interne (comité exécutif et board) et en externe (réseaux d’influence et structures de coaching.)
“Au moment de notre départ aux États-Unis, nous avons eu un coaching qui nous a permis d’avoir 50% du knowledge nécessaire à la préparation au marché américain, mais il nous manquait encore les 50% que nous aurions pu trouver auprès de personnes ayant vécu l’expérience que nous allions nous-mêmes expérimenter”. Nicolas Hernandez - Founder & CEO de 360 Learning
#4 - Recruter meilleur que soi dès le début pour savoir faire face à un rythme de croissance soutenu, et anticiper les prochaines étapes du changement d’échelle.
“Il ne faut pas se limiter, plus senior est le profil, le mieux ce sera, même s’ils sont deux ou trois paliers plus loin. Ils permettront de structurer les choses et vont faciliter grandement les choses sur le moyen et long terme”. Thibaud Hug de Larauze - Co-founder et CEO de BackMarket
- Pour les scale-ups
Les recommandations à destination des scale-ups mettent en avant des propositions de valeur permettant aux scale-ups de se démarquer pour mieux accéder aux viviers de talents et se construire une identité forte.
#1 - Montrer l’exemple pour développer la marque employeur sur tous les marchés pour donner envie aux meilleurs de rejoindre l’aventure, mais aussi pour faire rayonner l’entreprise plus largement.
“Aujourd’hui, il y a un réel déficit d’image des techs européennes. À Munich, personne ne connaît les licornes françaises et à Paris personne ne connaît les licornes allemandes. Nous sommes coincés entre les géants américains et nos fleurons de la Tech”. Vincent Huguet - Co-founder et CEO de Malt
#2 – En tant que fondateur, se remettre en cause perpétuellement pour prendre les devants sur les prochaines étapes de croissance, et réinventer son rôle de fondateur.
“Du fait de l’hyper croissance de l’entreprise, je dois sans cesse me remettre en cause. Je suis beaucoup de séances de coaching en leadership, car c’est vers ce rôle que je dois me diriger toujours plus. Le CEO fait aussi partie des personnes qui peuvent ne pas suivre aussi vite que la croissance de l’entreprise” Antoine Hubert - co-founder et CEO d’Ynsect.
#3 - Assumer sa culture c’est défendre sa singularité et porter haut les couleurs de sa
culture d’entreprise pour attirer les profils en adéquation avec les valeurs de l’entreprise et éviter les erreurs de casting.
#4 - Aller chercher les meilleurs profils là où ils sont et saisir les opportunités liées aux nouveaux modes de travail, pour repenser son organisation ou attirer des profils inatteignables jusqu’alors.
“Tous les C-levels que nous recrutons ne rêvent pas de venir vivre à Bordeaux ou à Paris, nous ne sommes pas présents qu’en France, ce qui nous permet d’accéder à un vivier plus large de talents et à ne pas les faire délocaliser. Même si nous avons tout de même besoin de créer de la proximité avec les équipes”. Thibaud Hug de Larauze - Co-founder et CEO de BackMarket
- Pour l’écosystème
Enfin, les recommandations pour l’écosystème offrent la vision des fondateurs et dirigeants de scale-ups françaises sur les axes d’amélioration et de développement de l’écosystème en tant que tel, qui pourraient favoriser le passage à l’échelle et la création de plus de géants internationaux.
# 1 - Créer les conditions de vie et de travail permettant de faire de la France une terre d’accueil pour les profils d’exception qui souhaiteraient rejoindre les grands noms de la Tech française.
#2 - Aider les entreprises qui veulent s’internationaliser en débutant par le continent européen et qui souhaiteraient bénéficier à l’échelle de l’Europe d’un dispositif aussi avantageux, économiquement et fiscalement, que les BSPCE en France.
“Il y a vraiment un sujet sur les stock-options en Europe. Le BSPCE est un dispositif qui fonctionne très bien, mais pas en dehors de France donc nos collaborateurs en Allemagne ou en Espagne ne peuvent pas en bénéficier. Il faudrait un système supranational sur les stock-options”. Vincent Huguet - Co-founder et CEO de Malt
#3 - Accompagner les entreprises dans leurs phases d’internationalisation sur les aspects stratégiques des débuts et créer les meilleures conditions pour une installation réussie.
#4 - Renforcer les moments de rencontre et de partage d’expériences peer-to-peer, sur le territoire français et dans la mesure du possible sur le reste du continent pour étendre l’écosystème et aider l’émergence de géants européens.
#5 - Créer des conditions incitatives sur le territoire français et en Europe pour l’émergence de consolidateurs français qui pourront résister aux tentatives d’arbitrage des géants américains et pour un maintien des centres d’activités stratégiques en France.
“Quand je pense à la suite pour ManoMano, je me dis que les benchmarks et les acteurs auxquels on peut s’identifier ne sont malheureusement pas en France. Je pense à Spotify, à Zalando qui sont des acteurs établis mondialement avec plusieurs dizaines de milliards de business valuation et qui ont une taille critique même aux États-Unis. Donc aujourd’hui, il nous manque un ou deux acteurs qui ouvriront la brèche pour montrer l’exemple aux autres”. Christophe Dargniès - Chief People Officer ManoMano
#6 – Accroître la connaissance des investisseurs et analystes financiers des domaines scientifiques de pointe, pour une meilleure compréhension des problématiques Deeptech, une démystification des risques associés et in fine un financement accru de ces entreprises.