12 Mars 2020
Temps de lecture : 11min
Les technologies de rupture, dans leur capacité à apporter des solutions concrètes aux défis économiques et sociétaux, contribuent majoritairement à construire les industries et les emplois de demain.
Bpifrance, le Boston Consulting Group (BCG), et Hello Tomorrow publient la première étude concernant les facteurs clefs de croissance, par filières, des startups deeptech en France : financement, talents, et écosystèmes.
En France, si une dynamique est enclenchée comme le montre le Plan Deeptech de Bpifrance ou la compétition de startups de Hello Tomorrow, le potentiel de création reste encore insuffisamment exploité, avec pour conséquence un retard de l’Hexagone en comparaison à ses concurrents internationaux.
Trois acteurs historiques de la deeptech proposent ce jour au Gouvernement des recommandations afin de rattraper ce retard et de favoriser la création de champions français dans quatre filières stratégiques d’avenir : les biotechnologies médicales, l’hydrogène, l’agriculture et les batteries.
- Les deeptech en France
Si la France se situe au niveau des meilleurs mondiaux en termes de recherche, elle est en retrait dans la création de startups deeptech par rapport à ses principaux concurrents. Il y a ainsi 2,1 fois plus de startups créées au Royaume-Uni qu’en France et 3,7 fois plus aux États-Unis. Même si on note une évolution favorable ces dernières années, cette situation s’explique principalement par une moindre acculturation de la recherche française à l’entrepreneuriat en comparaison des pays anglosaxons. Par ailleurs, chaque startup reçoit 1,5 fois plus de financement au Royaume-Uni et 3 fois plus aux États-Unis.
Pour atteindre les objectifs du plan deeptech, la France a besoin d’une politique cohérente et transverse qui active tous les leviers pour accélérer le développement de ces nouvelles filières industrielles portées par les startups : financement, recrutement de talents, industrialisation des prototypes, animation de communautés, etc.
- Communes à toutes les filières, quatre axes de recommandations pour faire de la France un leader mondial des deeptech
- Assurer un continuum du financement
Antoine Gourévitch, directeur associé senior au BCG : « Les deep tech françaises sont confrontées à un double problème. Au stade d’idéation, les jeunes pousses ont du mal à se financer si elles ne sont pas affiliées où les financements publics sont présents. Pour les deep techs les plus avancées dans leur développement, elles se tournent le plus souvent vers des investisseurs américains ou asiatiques, plus enclins à prendre des risques. Les structures de fonds français ne sont pas armées pour soutenir les deep techs.».
> Les recommandations :
- Combler les lacunes du financement de la maturation, c’est-à-dire de la transformation d’un résultat de recherche en projet de startup en complémentarité des moyens mis en place par les SATT;
- Financer des fonds importants pouvant investir post série B, à l’échelle nationale, ou européenne si l’échelle nationale ne suffit pas pour atteindre une masse critique. Ces fonds devront pouvoir prendre des positions suffisamment importantes pour inciter les startups à rester en France ;
- Améliorer les perspectives d’introduction en bourse en créant des fonds cotés spécialisés dans certains secteurs comme les biotechnologies, investissant dans le monde entier mais basés en France.
- Fluidifier les relations entre startups et investisseurs en développant des références communes sur les attendus et les pratiques, car celles-ci ne sont pas les mêmes que dans le digital traditionnel ;
- Former les talents et favoriser leur circulation
La France bénéficie d’une recherche d’excellence. Pour favoriser l’émergence de startups, il faut surtout donner envie aux chercheurs de participer à leur création et les aider à le faire dans de bonnes conditions.
Paul-François Fournier, Directeur Innovation de Bpifrance : « Développer des filières deep tech françaises fortes nécessite d’avoir les meilleurs chercheurs, qui comprennent les enjeux réglementaires et industriels liés à la valorisation de la recherche. Arrêtons d’opposer recherche académique et business. Il faut au contraire considérer la création de startups comme une émergence normale des activités de recherche».
> Les recommandations :
- Former systématiquement les chercheurs aux enjeux business (propriété intellectuelle, modèle économique, marketing, industrialisation, etc.) le plus en amont possible, dès le doctorat voire le master ;
- Systématiser les dispositifs d’accompagnement personnalisé à la création d’entreprise pour les chercheurs ;
- Favoriser la circulation des talents entre la recherche, l’industrie, et les startups (voire entre startups) via des événements ou plateformes en ligne spécialisées, et la création d’écosystèmes régionaux structurés autour des universités ;
- Attirer des talents internationaux (entrepreneurs expérimentés ou experts sur des sujets clés comme les essais cliniques en biotechnologies médicales) ;
- S’assurer que l’ensemble des acteurs impliqués dans le développement des startups parlent le même langage et aient une compréhension partagée des facteurs clés de développement d’une startup deeptech dans leur filière.
- Faciliter l’industrialisation
Arnaud de La Tour, co-dirigeant de Hello Tomorrow : « Contrairement à une application mobile qui peut relativement facilement passer d’une version prototype à une version utilisée par des milliers de personnes, l’industrialisation est une phase beaucoup plus compliquée quand on travaille sur des produits physiques. Les enjeux règlementaires ou industriels sont généralement pris en compte trop tard par les startups ce qui engendre des mauvaises prises de décision, et les startups françaises ont du mal à s’appuyer sur l’écosystème industriel existant pour passer cette étape ».
> Les recommandations :
- Sensibiliser les startups aux enjeux réglementaires et industriels le plus tôt possible via des études de cas ;
- Inciter les filières, dans le cadre des contrats de filières, à s’organiser pour permettre aux startups d’externaliser les premières phases d’industrialisation, par exemple en mettant en avant pour chaque filière/région un acteur capable de rediriger les startups vers les bons acteurs ;
- Favoriser les accélérateurs industriels ;
- Élargir les outils de financement existants pour créer un écosystème capable de financer les premiers démonstrateurs industriels, voir faciliter le rachat d’outils industriels existants.
- Structurer l’écosystème deep tech
Paul-François Fournier, Directeur Innovation de Bpifrance : « Il ne suffit pas d’avoir en France les ingrédients clés (connaissance, talents, infrastructure, argent, etc.), il faut aussi que les acteurs qui les portent parlent le même langage et puissent se rencontrer dans les bonnes conditions pour échanger et collaborer. C’est ce qui fait la particularité des écosystèmes les plus efficaces comme la Silicon Valley aux États-Unis, Shenzhen en Chine ou encore à Tel Aviv. C’est ce que nous mettons en place avec le Plan Deeptech. Par ailleurs, il faut que notre écosystème national soit connecté à l’international, de façon à embarquer les startups immédiatement sur un marché international. »
> Les recommandations :
- Identifier et mobiliser les acteurs qui peuvent faire l’intermédiaire entre les startups et une filière (pôles de compétitivité, syndicats professionnels, accélérateurs industriels, structures d’accompagnement spécialisées, etc.), ou jouer le rôle de tête de réseau ;
- Organiser des événements thématiques rassemblant en France les filières autour des startups (inter SATTs, OTT, incubateurs et accélérateurs) à l’échelle nationale, mais surtout à l’échelle internationale pour donner de la visibilité aux startups françaises ;
- Fluidifier les interactions entre les startups, ETI et grandes entreprises, notamment en communiquant sur les attentes respectives, les pièges à éviter, et les bons modèles de collaboration ;
- Fluidifier les relations entre les startups et les institutions publiques, en ayant des points de contact deeptech faisant le lien entre les startups deep tech et les administrations et services publics importants dans leur filière, sur le modèle du French Tech 120, voir au sein de ce programme.
- Des recommandations spécifiques à quatre filières d’avenir particulièrement stratégiques pour la France
Bpifrance, le BCG et Hello Tomorrow ont retenu quatre filières stratégiques au sein desquelles la France a un coup à jouer pour créer de futurs champions français, dans des domaines liés à la transition écologique ou à la santé.
- Les biotechnologies
Cela fait plus de 15 ans que les grands groupes externalisent leur R&D au monde académique et aux startups et c’est dans cette filière qu’on trouve le plus d’investisseurs. Cependant les relations entre tous les acteurs ne sont pas pour autant au beau fixe.
Recommandations spécifiques :
- Former les personnels des structures de valorisation aux spécificités des biotechnologies médicales (exemples : enjeux des essais précliniques et cliniques de phase 1) ;
- Encourager le regroupement de campus réunissant industriels, startups et investisseurs autour des centres de recherche les plus actifs pour atteindre une masse critique ;
- S’inspirer du modèle de fonds early-stage type French Tech Seed utilisant les obligations convertibles pour le financement des PoC et essais précliniques en biotech (500k€ - 2M€).
- L’hydrogène
Cela fait longtemps que la technologie existe et est poussée par quelques passionnés, mais aujourd’hui avec les récentes avancées technologiques et l’urgence de décarboner notre économie, cette filière accélère dans de nombreux pays. Le collège d’experts mandaté par les ministres de l’économie et de l’enseignement supérieur l’a identifiée comme une des 10 filières prioritaires.
Recommandations spécifiques :
- Partager au sein de l’écosystème une analyse sur les segments de marché porteurs ;
- Créer un volume important de commandes publiques de flottes captives et d’applications stationnaires pour avoir un marché suffisamment large permettant d’industrialiser les solutions ;
- Aider les startups à se fédérer pour faire entendre leur voix dans les groupes d’écriture de normes liées à la filière hydrogène.
- L’agriculture
De plus en plus de startups se lancent dans ce secteur, que ce soit pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, augmenter les rendements via le biocontrôle ou l’agriculture de précision, ou encore apporter une meilleure traçabilité de la filière. Le principal frein qu’elles rencontrent est la difficulté à faire adopter leurs innovations en raison de la fragmentation de la filière et de la différence des conditions de mise en oeuvre d’une région ou culture à l’autre.
Recommandations spécifiques :
- Développer et financer un réseau de fermes expérimentales permettant aux startups de tester rapidement leur technologie en conditions réelles dans différentes conditions de culture et de climat ;
- Connecter les centres techniques et instituts agronomiques privés avec les organismes de valorisation pour rapprocher le public et le privé et diffuser les innovations dans la filière ;
- Renforcer la diversification des fonds publics et privés vers l’agriculture et soutenir la création de nouveaux fonds spécialisés.
- Les batteries
Si les batteries sont principalement produites en Chine et aux US, la France reste à la pointe technologiquement, et l’Europe a une volonté de renforcer sa capacité de production. C’est un enjeu économique mais aussi de souveraineté à l’heure de la mobilité électrique et de l’IoT.
Recommandations spécifiques :
- Soutenir l'écriture d'un référentiel commun d’analyse des performances techniques des batteries, afin que les solutions des startups soient jugées selon des critères standardisés ;
- Réserver une part aux startups (seules ou en consortium avec des industriels) dans les appels à projet des filières ;
- Animer et investir dans des programmes d'open innovation des groupes industriels européens détenant les savoir-faire amont de la chaîne de valeur pour rendre ce savoir-faire disponible pour les startups.
Point sur la méthodologie de l’étude
Cette étude est basée sur des analyses de bases de données de startups (Tracxn), la base de données issue du Hello Tomorrow Challenge, une enquête auprès de 61 startups sur l’état de leurs relations avec les acteurs clés de l’écosystème, et plus de 40 interviews d’investisseurs, industriels, startups ou encore accélérateurs.
Les recommandations ont été formulées et validées par les acteurs clés – recherche, startups, industriels, investisseurs et accélérateurs, etc.
Contacts Presse
Bpifrance
Nathalie Police :
01 41 79 95 26 – nathalie.police@bpifrance.fr
Hello Tomorrow
Julie Chaouat :
01 42 12 28 66 - 06 84 38 12 21 – julie.chaouat@comfluence.fr
Charles Collet :
01 40 07 98 25 - 06 68 69 00 99 - charles.collet@comfluence.fr
BCG
Audrey Marzouk :
01 40 17 18 56 – marzouk.audrey@bcg.com
En savoir plus
A propos de Bpifrance
Bpifrance finance les entreprises – à chaque étape de leur développement – en crédit, en garantie et en fonds propres. Bpifrance les accompagne dans leurs projets d’innovation et à l’international. Bpifrance assure aussi leur activité export à travers une large gamme de produits. Conseil, université, mise en réseau et programme d’accélération à destination des startups, des PME et des ETI font également partie de l’offre proposée aux entrepreneurs. Grâce à Bpifrance et ses 48 implantations régionales, les entrepreneurs bénéficient d’un interlocuteur proche, unique et efficace pour les accompagner à faire face à leurs défis. Plus d’informations sur : www.bpifrance.fr - Suivez-nous sur Twitter : @Bpifrance - @BpifrancePresse
A propos de BCG
Le BCG est un cabinet international de conseil en management et le leader mondial du conseil en stratégie d'entreprise. Nous travaillons avec des clients de tous les secteurs partout dans le monde pour identifier ensemble les meilleures opportunités, les aider à affronter leurs défis et faire évoluer leurs activités. A travers une approche personnalisée, nous leur apportons notre vision de la dynamique des entreprises et des marchés ainsi que notre expertise à chaque niveau de leur organisation. Nous leur garantissons ainsi un avantage concurrentiel durable, des organisations plus performantes et des résultats pérennes. Fondé en 1963, le BCG est une entreprise privée présente dans 50 pays avec 90 bureaux. Plus d'informations sur www.bcg.fr
A propos de Hello Tomorrow
Hello Tomorrow est une organisation internationale dédiée au développement des projets deep tech qui répondent aux grands enjeux mondiaux. À travers l’organisation annuelle d’un Challenge international de startups, d’un Global Summit, d’un programme de conseil et formation dédié aux entreprises et d’une série d’événements thématiques organisés par ses 11 hubs présents dans le monde entier, Hello Tomorrow s’impose comme la plateforme de référence pour développer, faire rayonner et connecter ces projets deep tech aux réseaux internationaux de l’innovation. Dénicheur de projets à fort impact durable, Hello Tomorrow impulse et facilite les collaborations entre chercheurs, scientifiques entrepreneurs, industriels et investisseurs et décideurs politiques pour donner vie à des innovations de rupture. Plus d’informations sur hello-tomorrow.org