15 Septembre 2023
Temps de lecture : 6min
Paris, le 19 juin 2023 – 62% des dirigeants de PME-ETI industrielles déclarent rencontrer des difficultés régulières de recrutement, et pour 64% d’entre eux, elles sont structurelles et antérieures au Covid. Dans un secteur en tension depuis plus de dix ans, la main-d’œuvre étrangère est-elle une solution considérée par les entreprises industrielles ? Pour y répondre, Bpifrance Le Lab a mené une enquête auprès de 2454 dirigeant(e)s de PME de plus de 10 salariés et d’ETI industrielles. Cette étude propose un décryptage des besoins de recrutement dans l’industrie, ainsi qu’une analyse détaillée du recours aux collaborateurs étrangers dans ce secteur.
Face aux tensions sur le marché du travail, 49% des dirigeants de PME-ETI industrielles ont recruté des collaborateurs étrangers dans les cinq dernières années et 29% vont y avoir recours dans les cinq prochaines.
Veuillez télécharger sur votre droite l'étude de Bpifrance le Lab et son communiqué de presse (19 juin 2023) ainsi que le benchmark complémentaire sur l'Immigration professionnelle en Allemangne (15 septembre 2023).
Ce résultat masque des pratiques hétérogènes :
- un dirigeant sur deux a recruté des collaborateurs étrangers dans les cinq dernières années, principalement par défaut (pas de volonté particulière ni de recherche d’un profil étranger, mais simplement, le bon profil était disponible au bon moment pour 62 %, et il n’y avait pas de candidat de nationalité française disponible pour 43 %).
- le recrutement de collaborateurs étrangers est davantage le fait d’entreprises de taille intermédiaire (94 % des ETI de plus de 1000 salariés, 77 % des ETI de 250 à 999 salariés) que de PME (69 % des PME de 50 à 249 salariés, 42 % des PME de 10 à 49 salariés). Les difficultés de recrutement sont pourtant comparables entre les PME de plus de 50 salariés et les ETI.
- les dirigeants sont tributaires de la répartition des étrangers sur le territoire : ceux qui recourent le plus aux collaborateurs étrangers sont implantés dans des territoires où la part d’étrangers est la plus forte par rapport à la moyenne nationale (Ile-de-France, PACA).
- les filières industrielles qui recrutent le plus de collaborateurs étrangers sont la transformation et le traitement des déchets, la mode et le luxe, la construction, la mine et la métallurgie.
Parmi les freins au recrutement de collaborateurs étrangers, la barrière de la langue (62 %) et les difficultés administratives (53 %) sont les plus évoquées. Les dirigeants rencontrés confirment l’importance d’une maîtrise de la langue, requise pour s’intégrer dans l’entreprise et le pays d’accueil. Ils pointent également les difficultés administratives qui jalonnent le recrutement de la main-d’œuvre étrangère : la difficulté à déterminer la bonne procédure à suivre, l’absence de visibilité sur les délais d’instruction et les aléas sur la décision finale de l’administration.
Et pour l’avenir, 29 % des dirigeants envisagent de recruter un collaborateur étranger dans les cinq prochaines années (54% ne se prononcent pas) et 32 % estiment qu'il faudrait plus d'immigration professionnelle (38% ne se prononcent pas). En résumé, trois postures se distinguent dans le panel Bpifrance le Lab : une majorité de pragmatiques, mais aussi des réticents et des éloignés.
L’étude porte sur les collaborateurs étrangers, définis à partir du critère de la nationalité, autorisés à travailler en France.
Sont étrangers tous les collaborateurs qui n’ont pas la nationalité française. Il peut s’agir de ressortissants de l’Union Européenne (UE), autorisés à travailler en France dans le cadre de la liberté de circulation des travailleurs, ou de ressortissants d’un pays tiers à l’UE, détenteurs de titres de séjour pour motif familial, étudiant, humanitaire ou économique (ce dernier motif correspond à l’immigration professionnelle). Cette étude ne porte pas sur les immigrés qui ont été naturalisés, arrivés étrangers en France et ayant acquis la nationalité française au cours de leur vie.
Le cadre légal autorise le recours aux collaborateurs étrangers non européens (ressortissants de pays tiers à l’Espace Economique Européen) uniquement pour les métiers en tension, reconnus par la loi, ou si le dirigeant parvient à démontrer des difficultés de recrutement à son échelle. Dans le panel de Bpifrance le Lab, les collaborateurs étrangers recrutés sont principalement des ouvriers qualifiés et des ouvriers non qualifiés. 33 % sont ressortissants de l’Union européenne, 41 % d’Afrique.
Le recours aux collaborateurs étrangers doit être mis en perspective avec les tensions sur les métiers industriels, en forte augmentation depuis 2015.
Si les tensions sur le marché du travail sont un fait connu depuis la crise sanitaire, elles sont antérieures pour les métiers industriels. Selon la Dares (service statistique du Ministère du Travail), l’industrie fait partie des secteurs qui connaissent les tensions les plus aigües depuis plus de 10 ans, à niveau équivalent du BTP, et très au-dessus de la moyenne des secteurs. Ces tensions sont par ailleurs en hausse depuis 2015, et ont été multipliées par six depuis cette date, alors que l’emploi industriel est globalement stable. Les dirigeants de PME-ETI industrielles ayant répondu à notre enquête confirment l’acuité de ces tensions : 62% disent rencontrer des difficultés régulières, et parmi eux, 64% des difficultés structurelles antérieures au Covid.
Les causes sont connues et multiples, comme l’a montré encore récemment le baromètre « Les jeunes et l'industrie » de l'Ecole nationale supérieure des Arts et Métiers.
Dans une industrie transformée par les évolutions technologiques et appelant une spécialisation croissante, ce sont les profils techniques d’ouvriers qualifiés et de techniciens ou agents de maîtrise qui sont les plus en tension, pour respectivement 74% et 44% des dirigeantes industriels. Aucune filière n’est épargnée par ces difficultés.
A l’avenir, les tensions seront encore accrues par le vieillissement démographique (plus de départs en retraite que d'entrées de jeunes sur le marché du travail) et par la dynamique d'emplois des métiers de l'industrie, portée par les besoins sectoriels et la réindustrialisation verte. À l'horizon 2030, la DARES identifie 49 métiers industriels en déséquilibre sur les 80 métiers recensés.
D’autres pistes pour pourvoir les postes vacants sont à considérer : la formation, la création d’écoles à l’initiative d’une fédération ou d’un groupe d’entreprises, l’attractivité de la marque-employeur, la revalorisation du package salarial, l’aménagement du temps de travail.
« Partout dans le monde occidental on signale une difficulté particulière à recruter dans l’industrie. La perte de croissance est importante, et pas seulement en France. Nous avons voulu par conséquent connaître la position des industriels des territoires sur la question de l’augmentation de l’immigration professionnelle en France. Les résultats de l’étude montrent un paysage assez équilibré d’opinions, 32% des dirigeants de PME-ETI industrielles souhaitant recourir plus à l’immigration de travail, 38% déclarant ne pas savoir, et le reste (30%) ne le souhaitant pas et préférant soit robotiser, soit réduire la production en s’adaptant aux effectifs disponibles. L’étude montre, en tout état de cause, la relation séculaire qui s’est établie entre industrialisation et immigration ».
Nicolas Dufourcq, Directeur Général de Bpifrance
Méthodologie de l’étude :
- Une enquête par courrier et en ligne a été menée auprès de 30 000 dirigeants de PME et ETI industrielles entre le 23 septembre et le 15 décembre 2022. Elle a permis de collecter 2 454 réponses.
- Des entretiens menés auprès de 13 dirigeant(e)s de PME-ETI industrielles (de secteurs et de tailles variés), et de 4 représentants de filières (les deux principales en termes de nombre de répondants : agroalimentaire et mines et métallurgie). Ils ont été réalisés entre mi-décembre 2022 et fin février 2023.
- Des éléments de comparaison internationale avec l’Allemagne ont été réalisés par Kohler Consulting & Coaching. Ils sont issus de 8 entretiens réalisés en Allemagne auprès de dirigeants, de collaborateurs étrangers et d’une Chambre de commerce et d’industrie.
Retrouvez l’intégralité de l’étude via le lien suivant :
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Tél. : 06 03 84 70 66
Sophie Santandrea
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